ACTUS

Leçon de douarneniste #6

« Mieux vaut un petit konchennoù qu’un grand chez les autres »
Leçon de douarneniste du jour

Confinement quand tu nous tiens ! – Par Patrice Goyat

– Allo c’est vous que c’est Nana ? A Chacune son tour de s’appeler pas ? C’est pas toujours à vous de payer la communication non plus, vot’ Joseph au cimetière ne supporterait pas, lui qui avait des origines bigoudènes, mais un homme plein la main quand même ! Comment sont les choses avec vous ? Vous avez supporté le discours du Président ?

– Pas supporté du tout, j’étais plus que tranquille à écouter Macron, au vin blanc, puisque j’ai fini tout le porto, et quand je l’ai entendu dire que l’on ébaucherait le déconfinement le 11 mai j’ai failli simpler tousuite ! Je n’en peux plus, je ne sais plus quoi faire ; hier j’ai comparé le nombre de grains de riz dans un paquet de 1kg de la grande surface avec celui du paquet de la petite supérette de Marie-Jeanne, paizelle que j’étais après ; aujourd’hui idem au cresson avec les paquets de coquillettes ; et si demain je fais la même chose avec 2 paquets de vermicelle, je serai ramassée et à rouillou envoyée à Gourmelen ! Mon sissiko est à partir en cacahuète, j’ai même plus la force du courage de mettre mes bas de
contention, mes jambes sont comme des poteaux téléphoniques.

– C’est pour ça que la liaison est si claire alors Mimi, on va vous surnommer la fibre ! Mais pourquoi vous n’écrivez pas, vous qui êtes si dornée en douarneniste ? Les gens sont que à kranver sur cette littérature qui aura bientôt sa place au patrimoine immatériel de l’Unesco !
Y’en a même des qui sont à se tuer à écrire des pièces de théâtre dans cette langue. Moi je m’occupe, vous savez que je porte une perruque depuis que je suis plus en coiffe ; et bien je trouvais qu’elle avait besoin d’une mise en plis, alors j’ai posé moumoute dessur la table et je suis à lui poser des bigoudis pour qu’elle soit frisée toute splambe ! Et au moins je sens pas les spilhenn me piquer la tête ! Et je lui cause hein, une fois posée sur la table on dirait un yorkshire sans pattes ! Et si j’étais une grande divarchée, je lui mettrais une laisse pour aller la promener sur le Rosmeur, ni vu ni connu ! Mais non je ferai pas, je suis encore à moitié é noaze dans ma chemise de nuit en pilou et je chante à tue tête :
“Enoaaze, enoaaze, guiss bonnomig tal Ar groas “

– Ohuu Nana mais vous êtes une espèce en voie de disparition, il faudra vous formoler quand vous aurez ridé vot’ parapluie, on vous trouvera une place au Port Musée parmi les caisses à maquereaux ! Vous êtes dornée pour me redonner le moral et vot’ langue académique me plait beaucoup plus que la langue sauce madère pour les gens de Tréboul à un mariage !
Rappelez-moi de l’heure au moins je ne sombrerai pas ! Je vous laisse, je sens que mes pommes de terre sont en train de lesker au fond de la casserole et la maison commence à
être mouguénée de partout !

Patrice GOYAT – 17 Avril 2020

Illustration : Charles Kerivel